Véronique DOUARD

PPR 2014

Rôle de la flore et de l'homéostasie intestinale dans la médiation des effets délétères du fructose au niveau périphérique et central

Projet de recherche

  • Auteur : Véronique DOUARD
  • Centre de recherche : Institut Micalis, INRA, Jouy-en-Josas
  • Thème : Absorption du fructose

Présentation, objectifs et résultats attendus

Présentation

La consommation de fructose est un facteur de risque bien connu pour le diabète, l’adiposité viscérale, la stéatose hépatique non alcoolique, l’insuffisance rénale, la dérégulation de la prise alimentaire et un certain nombre d’autres troubles métaboliques. Les effets directs du fructose sur les tissues périphériques et centraux n’est cependant possible que si le fructose atteint des concentrations systémiques physiologiquement significatives et s’il est par la suite transporté dans les cellules des tissus dont il modifie le métabolisme et le fonctionnement.
Cependant, les concentrations postprandiales de fructose dans la circulation périphérique restent faibles même chez les animaux recevant un régime très riche en fructose. En outre, l’expression des principaux transporteurs de fructose est marginale dans la plupart des tissus affectés par sa surconsommation chronique. Les effets défavorables de fructose alimentaire sur ces tissus semblent donc faire intervenir des mécanismes indirects restés inexplorés jusqu’à présent.

Études

Aux cours des 10 dernières années de nombreuses études ont mise en évidence le rôle du microbiote intestinal et de l’intégrité de l’intestin (perméabilité et l’inflammation) dans la physiologie et physiopathologie de l’hôte. Des travaux suggèrent notamment que les interactions entre les nutriments et le microbiote sont impliqués dans le développement de certains troubles métaboliques tel que l’obésité. Il est intéressant de noter que le tractus digestif est exposée à des concentrations élevées de fructose: à la fois la partie proximale de l’intestin grêle où le fructose est principalement absorbé, mais aussi les parties distales du tractus digestif (iléum/colon) car le fructose est constitutivement mal absorbé en comparaison à d’autres sucres tel que le glucose.

Objectif

Dans ce contexte, les 2 premiers objectifs de ce projet ont pour but :
– D’évaluer l’effet du fructose alimentaire sur la composition du microbiote et la fonction de la barrière intestinale et les conséquences sur l’hôte d’une dysbiose et d’une perte de perméabilité intestinale éventuellement induite par le fructose.
– L’objectif 3 aura pour but de clarifier l’effet controversé du fructose sur la prise alimentaire en testant l’hypothèse selon laquelle la partie distale du tractus digestif joue un rôle majeur dans la détection de l’excès de fructose et conduit à une diminution de la prise alimentaire.

Étapes

1 – Étudier les interactions entre le microbiote intestinal et le fructose afin de déterminer si la flore intestinale joue un rôle dans le développement des maladies métaboliques induites par sa consommation chronique. L’objectif est de déterminer in vivo si des régimes riches en fructose conduisent à altération du profil bactérien de l’intestin. L’utilisation de souris axéniques et de transfert de flores intestinales permettront de déterminer le rôle de ce microbiote dans le l’établissement des pathologies induites par l’ingestion excessive de fructose.
2 – Une altération de la barrière intestinale et une augmentation de l’inflammation dans l’intestin grêle contribuent au développement de la sensibilité à l’obésité, de la résistance à l’insuline et d’autres troubles métaboliques. Dans un deuxième objectif, l’équipe va caractériser de façon détaillée l’impact de fructose sur la perméabilité de l’intestin et l’inflammation dans divers régions du tractus digestif. De plus, elle cherchera à déterminer si ces altérations intestinales jouent un rôle déterminant dans le développement des maladies métaboliques induits par la consommation chronique de fructose.
3 – Etudier le rôle de la région distale tractus digestif dans le contrôle du comportement de prise alimentaire dans le cadre de régime riche en fructose. Plus précisément, il s’agira de tester l’hypothèse selon laquelle l’accumulation de fructose dans la zone distale du tractus gastro-intestinal diminue la prise alimentaire.

Perspectives

L’originalité de ce projet est qu’il mettra l’accent sur l’interaction d’un élément nutritif spécifique, le fructose (qui a émergé comme très présent dans l’alimentation occidentale et potentiellement préjudiciable pour la santé) avec le microbiote intestinal, indépendamment de l’apport énergétique (tous régimes proposés dans ce projet sont isocaloriques et contiennent la même quantité de monosaccharides puisque le glucose sera utilisé comme contrôle). Le projet permettra donc d’étudier une interaction spécifique entre les bactéries intestinales et un nutriment particulier. Comprendre comment des bactéries spécifiques interagissent avec certains nutriments semble maintenant indispensable pour décrypter les interactions entre les nutriments et le microbiote intestinal. En effet, jusqu’à présent quelques bactéries intestinales (Lactobacillus, Bifidobacterium, Faecalibacterium) ont été identifiées comme étant en mesure d’utiliser le fructose comme substrat. Toutefois, le résultat de cette interaction n’a pas été étudié (produits du métabolisme, conséquences sur les autres composants de la flore intestinale ou sur les cellules de la muqueuse). Ce projet pourrait conduire à la découverte de nouveaux composés issus du métabolisme de fructose par les bactéries intestinales et potentiellement impliqués dans la médiation de l’effet néfaste de fructose.

Bilan

A l’issue de cette étude, il serait intéressant d’étendre la recherche à l’homme. En effet, l’accumulation du fructose dans les parties distales de l’intestin est également retrouvée, en cas de malabsorption ou d’intolérance au fructose chez l’homme. La malabsorption du fructose affecte plus de 80% des enfants < de 2 ans et 30-60% des enfants de 3 à 10 ans. Cette population infantile est également celle consommant la plus grande quantité de fructose. Cependant, l’impact de ce sucre sur notamment la colonisation du tube digestif chez le jeune enfant demeure totalement inexploré. L’intolérance au fructose est également retrouvé chez les adultes soit sous forme bénigne ou sévère (mutation du gène codant pour l’aldolase B qui affect 1/20000 individu et correspond au phénotype des souris KHK-/-). Les symptômes associés à la malabsorption du fructose vont de la diarrhée et des douleurs abdominales à la dépression. Même si la malabsorption des sucres est associée à la prolifération bactérienne, les mécanismes fondamentaux qui conduisent à ces symptômes n’ont jamais été étudiés dans la cadre du fructose. Le travail proposé ici permettra d’établir des bases solides pour orienter les recherches chez l’homme.