Yann Cornil

Prix Trémolières 2015/2016

Essais sur la Perception Sensorielle et le Marketing Alimentaire

Le projet

  • Auteur : Yann Cornil
  • Centre de recherche : Centre Multidisciplinaire des Sciences Comportementales Sorbonne Universités-INSEAD
  • Thème : Sociologie, pratiques alimentaires
  • Type de document : Thèse en Sciences de Gestion

Le prix a été remis lors de la conférence Benjamin Delessert du 21 juin 2016 dont le dossier participant est disponible ci-dessous.

Descriptif

Résumé

Le comité scientifique a décerné le prix Jean Trémolières 2015/2016 à Yann Cornil pour sa thèse :
 
 » Essais sur la Perception Sensorielle et le Marketing Alimentaire  »
 
Ecrit par : Yann Cornil

Les sens jouent un rôle prépondérant dans le comportement du consommateur, en particulier dans le domaine alimentaire. Ils sont l’interface entre les actions marketing (formulation de produit, emballage, labellisation, gestion de la marque) et la façon dont les consommateurs choisissent, perçoivent et évaluent les aliments et les boissons.
 
Les trois essais inclus dans cette thèse étudient trois types d’expériences sensorielles alimentaires : l’imagerie sensorielle, la perception sensorielle motivée, et les effets d’attentes sur la perception sensorielle. Ces trois essais démontrent comment le marketing sensoriel peut façonner les expériences alimentaires des consommateurs, ainsi que leur santé et leur bien- être.
 
Le premier essai étudie la façon dont l’imagerie multisensorielle encourage les consommateurs à préférer des portions alimentaires plus petites. Les recherches sur la suralimentation et l’obésité suggèrent parfois que le plaisir de manger doit être sacrifié au profit d’une meilleure santé.
 
Contrairement à cette opinion, nous avons démontré que se concentrer sur le plaisir sensoriel peut amener les consommateurs à préférer et à dépenser plus pour des portions alimentaires plus petites, un triple gain pour la santé publique, les consommateurs et les entreprises.
 
Dans cinq études expérimentales, nous avons demandé à des adultes et enfants français ou américains d’imaginer de manière vivide le goût, l’odeur et la texture en bouche de trois aliments-plaisir, avant de choisir la taille de portion d’un autre aliment-plaisir.
 
Par rapport à une condition contrôle, cette intervention fondée sur l’ »imagerie multisensorielle” incite les participants (à condition qu’ils ne soient pas dans un état de satiété ou de restriction alimentaire) à choisir des portions alimentaires plus petites, tout en 2  anticipant davantage de plaisir et en augmentant leur disposition à payer pour ces petites portions.
 
L’imagerie multisensorielle augmente l’attrait hédonique des petites portions, car cela pousse les consommateurs à choisir les portions alimentaires, non pas en fonction de leur faim, mais en fonction du plaisir sensoriel qu’ils anticipent. Or, la plupart des consommateurs savent que le plaisir sensoriel atteint son niveau maximum lors des premières bouchées, et diminue lors des bouchées suivantes.
 
Nous avons également démontré que l’imagerie multisensorielle (et ses effets sur les choix de portion et sur le plaisir anticipé) peut être invoquée dans la manière dont les aliments sont décrits dans les publicités ou les menus des restaurants. Enfin, nous avons comparé l’effet de l’imagerie sensorielle avec l’effet des messages sanitaires et avertissements de santé.

Ces derniers incitent également les consommateurs à réduire leurs portions alimentaires, mais au prix d’une diminution du plaisir anticipé, impliquant un « coût hédonique » pour les consommateurs et un « coût économique » pour les entreprises.
 
Le second essai étudie la manière dont l’ambivalence attitudinale augmente la sensibilité visuelle aux tailles de portions alimentaires.  Les recherches sur la perception visuelle montrent que les consommateurs sous-estiment la taille des portions alimentaires, devenues de plus en plus grandes ces dernières décennies.
 
Cet essai démontre que l’ambivalence attitudinale (c’est-à-dire, désirer un aliment tout en le percevant comme mauvais pour la santé) diminue ce biais de sous-estimation visuelle. Dans trois études expérimentales auprès d’adultes et d’enfants, nous avons mesuré ou manipulé cette ambivalence attitudinale, et avons démontré que la sensibilité visuelle aux tailles de portions d’un aliment est accrue lorsque que les participants désirent cet aliment tout en le percevant comme mauvais pour la santé.
 
Ces résultats suggèrent que positionner les aliments comme des “vices” (délicieux mais mauvais pour la santé) améliore l’estimation des tailles de portion, alors que les labelliser 3  comme “bons pour la santé” réduit l’ambivalence attitudinale, et par ce biais réduit l’acuité des estimations de tailles de portion.
 
Le troisième essai étudie les effets d’attentes des cocktails alcool-boissons énergisantes : comment la labellisation des cocktails influence l’ébriété subjective, la prise de risque, et l’agressivité sexuelle. Les études en pharmacologie ne sont pas parvenues à démontrer qu’ajouter une boisson énergisante à l’alcool augmente de manière causale l’ébriété perçue et les comportements à risque.
 
Cet essai se concentre sur le rôle des effets psychologiques d’attentes créés par les labels. Dans une étude expérimentale, nous avons demandé à de jeunes hommes de consommer un cocktail alcool-boisson énergisante. Selon les conditions expérimentales, ce cocktail était labélisé « Cocktail exotique », « Cocktail vodka », ou « Cocktail vodka-Red Bull ».
 
Nous avons découvert que l’ébriété perçue, mais également des mesures de prise de risque et d’agressivité sexuelle, étaient supérieures lorsque le label mentionnait la présence d’alcool et de boisson énergisante.
 
Ces résultats suggèrent qu’au-delà des interactions pharmacologiques potentielles entre boissons énergisantes et alcool,  le marketing des boissons énergisantes (positionnées comme des « boosters » d’alcool) peut avoir des conséquences néfastes sur la santé et la sécurité des consommateurs et de leur entourage.