Judith ARON-WISNEWSKY

PPR 2016

Contribution du microbiote intestinal dans la rémission du diabète de type 2 chez des patients obèses et diabétiques suite à la chirurgie bariatrique

Projet de recherche

  • Auteur : Judith ARON-WISNEWSKY
  • Centre de recherche : Service de nutrition, IHU-ICAN Hôpital Pitié Salpêtrière, Paris
  • Thème : Comportement alimentaire / Psychologie

Présentation, objectifs et résultats attendus

Présentation

La chirurgie bariatrique, réservée aux patients atteints d’obésité sévère (IMC > 40 ou 35 kg/m  en présence de comorbidités) entraine une perte de poids massive et durable, accompagnée d’une amélioration du métabolisme glucidolipidique. Celle-ci s’étend au diabète de type 2 (DT2). En effet, plusieurs études décrivent une rémission, c’est-à-dire une normalisation des paramètres glucidiques en l’absence de traitement médicamenteux chez 40 à 60% des patients. Les effets bénéfiques du bypass-en-Y (RYGB) sur le métabolisme glucidique ne dépendent probablement pas uniquement de la restriction énergétique et de la perte de poids, ce qui ouvre des perspectives considérables sur les mécanismes en jeu. Plusieurs facteurs ont été décrits, comme la modification des profils de sécrétion des hormones entéro-endocrines telles que GLP-1 et PYY et des acides biliaires, ou encore une diminution de la quantité de sels disponible dans l’intestin grêle post-RYBG, ce qui limite la captation intestinale de glucose via les transporteurs glucose-sodium. Aussi, il a été démontré que l’utilisation du glucose par le jéjunum augmentait, ce qui participe à l’amélioration glycémique postprandiale.

Découverte

Récemment, notre équipe et d’autres ont décrit des modifications importantes du microbiote intestinal après le RYGB à moyen terme (3-6 mois), avec certaines espèces spécifiquement modulées chez le patient diabétique comme Faecalibacterium prausnitzii. Ainsi, plusieurs mécanismes par lesquels le microbiote modulerait l’équilibre glycémique ont été proposés, tels que sa contribution dans l’extraction énergétique des aliments, l’activation de la voie FXR par l’intermédiaire de la production d’acides biliaires secondaires, ou encore par la production d’acides gras à chaîne courte, ce qui a de nombreux effets sur l’immunité et la néoglucogenèse intestinale. Néanmoins, la preuve de l’implication du microbiote dans la rémission du DT2 suite à la chirurgie bariatrique n’est pas démontrée, notamment à long terme.

Hypothèse

Les chercheurs font l’hypothèse que le rétablissement d’un microbiote intestinal « sain » (ou l’amélioration de son profil) est un des mécanismes par lequel la chirurgie bariatrique contribue à la résolution du DT2. La composition du microbiote pourrait aussi être différente chez les patients entrants ou non en rémission. Ce projet combine des analyses détaillées du phénotype métabolomique de patients étant (ou non) en rémission à l’étude mécanistique par expériences de transfert chez la souris du microbiote de patients soigneusement sélectionnés en fonction de leur profil. Ce projet apportera des connaissances essentielles sur la contribution du microbiote dans la rémission du diabète suite à la chirurgie.

Objectifs

– Objectif primaire : Déterminer l’implication mécanistique du microbiote intestinal et identifier les groupes bactériens associés à la rémission du diabète induite par la chirurgie. Dans ce but, des expériences de transfert de microbiote humain chez la souris seront réalisées. Le microbiote sera obtenu chez des sujets sélectionnés, entrant ou non en rémission du DT2. Un modèle de souris transférée avec du microbiote humain, développé au laboratoire en 2015/2016, sera utilisé. Leur phénotype métabolique et, en particulier, les composantes de l’homéostasie glucidique seront étudiés au décours de la transplantation fécale.
– Objectif secondaire : identifier des biomarqueurs circulants dérivés du métabolisme microbien associés à la rémission du diabète. Pour cela, une étude métabolomique sera ralisée chez des patients diabétiques avant la chirurgie et entrant ou non en rémission après la chirurgie à 5 ans. L’objectif est de mettre en évidence dès le temps préopératoire des différences entre patients entrant en rémission et patients restant diabétiques. Cette étude sera réalisée sur des sérums prélevés en préopératoire et comparés à ceux récoltés 1 an et 5 ans après la chirurgie. les métabolites dérivés du microbiote les plus discriminants seront discriminés entre rémission et non-rémission du diabète. Ultérieurement, leur impact métabolique sera éventuellement testé dans les modèles de rongeurs du laboratoire.

Étapes

Planification du projet (0 – 24/36 mois)
– Étape 1. Analyse de la cohorte, stratification des patients selon leur statut de rémission
– Étape 2. Analyses d’associations entre statuts de rémission et métabolomes plasmatiques
– Étape 3. Sélection des patients pour l’étude in vivo
– Étape 4. Analyse des données alimentaires à 5 ans
– Étape 5. Démonstration du rôle causal du microbiote par étude chez la souris, transfert de microbiote de 5 patients répondeurs et 5 non répondeurs à la chirurgie ; caractérisation extensive du métabolisme glucidique
– Étape 6. Intégration bio-informatique des données cliniques, alimentaires et métabolomiques pour établir un score de prédiction de la rémission court et long terme du diabète.

Bilan

Les résultats attendus sont de différente nature :
Mécanistique : Déterminer si les variations du microbiote observées suite à la chirurgie bariatrique participent à la rémission du DT2. Si le phénotype est bien observé chez les souris receveuses, on pourra probablement identifier plusieurs groupes ou espèces bactériens d’intérêt et étudier ceux-ci dans une future expérience.
Thérapeutique : la mise en évidence de lien entre certains nutriments et certaines signatures métabolomiques impliquées dans la rémission du diabète pourraient permettre de proposer une modification de l’alimentation visant à moduler le microbiote et à favoriser la rémission du diabète chez les sujets obèses opérés.